L'enfance
J’y retourne un instant …
Je cours dans les ruelles , je me rends sur une sorte de terrasse qui ressemble à une forêt tropicale , entre un rayon de soleil et la pergola .
Partout autour , les géraniums fleurissent , les pétales des bégonias sont des galaxies , les feuilles vertes des pergolas semblent me dire que le printemps est la .
Je les remercie du regard et je file aussitôt.
Je rejoins l’épicerie ou la morue dans les grands sacs de jute se tape la discute avec les bonbons haribot et les chewing-gum Hollywood.
Il fait bon dans cette ancienne cave ou l’air semble imprégné de sucre ; voici la petite caisse enregistreuse de ma grand mère , elle tapote dessus avec ses doigts agiles et souples.
Zia Marta arrive , elle entre a pas lents à cause de son âge mais elle est là encore une fois pour fêter ce jour où les rayons de soleils se faufilent partout . C’est un jour comme un autre mais chaque jour est exceptionnel.
Il y a la lumière , il y a les voix , les conversations.
Il est 11 heures à Santa Riparata, chacun se prépare pour midi , pour ce rituel du déjeuner , immuable depuis toujours.
Moi je cours dans le village pour ne pas rater ce moment ou l’on entend seulement le bruit des fourchette et des couteaux sur les assiettes . J’aime ce léger bruissement , les voix se taisent pendant le repas .
Je décide de faire un dernier tour sur la place , et voici le clocher qui impose sa stature: il semble me dire de rester tranquille et sa taille en impose . Moi je n’obéit pas à sa demande et encore une fois je cherche une manière de filer à l’anglaise pour rejoindre le bar des Poli ou tremble je baby foot entre les mains de José . José a des poignets de fer et le baby foot implore la pitié tellement il est malmené.
Il fait toujours beau pour la saison , j'en profite pour remonter en courant à "a cruciata" où le boulanger avec sa Mercedes décapotable livre le pain à l’épicerie. On crois rêver en le regardant arriver à toute allure dans la ruelle en pente . Il vocifère en disant qu’il n’a pas le temps, range le pain sur les étagères nerveusement , remet la marche arrière et repart en trombe aussitôt .
Éric : c’est tout un personnage : jeunesse dorée, pas de temps à perdre , de l’argent à faire rentrer.
Il est presque l’heure de retourner à la maison mais je veux encore voler des secondes et des minutes . Je cours vers la placette ou je me retrouve seul : "piazza a l’Ó". Le centre de l’univers en somme , je sens qu’autour de moi on s’affaire dans les maisons : je respire les odeurs de friture et mon imagination m’emporte vers une entrecôte frite , je commence à avoir faim!
Je démarre en trombe , je traverse les loghje , je pousse la porte et je m’installe à table.
La grand mère est là , calme , elle m’attendait . Elle connaît mes habitudes et ne s’inquiète pas de mon retard.
Quelque chose se synchronise en moi , l’univers est dans ma poche , tout se tient , tout est cohérent
Je démarre mon déjeuner comme un pape , je suis entouré d’amour et je sais que je suis vivant dans ce petit village qui est devenu ma crèche , mon refuge , mon terrain de jeu.
Je regarde par la fenêtre et en face de moi je vois un lézard qui profite du soleil sur le mur . L’espace d’un instant je lui parle et je le comprends . Je sais qu’il n’est pas là par hasard. Chaque chose est à sa place . Il s’échappe . À t’il perçu mon regard ? Je ne sais pas et je ne saurai jamais.
Après le déjeuner mon grand père fume sa gauloise et à l'heure où tout le mode fait la sieste je me retrouve encore dans les ruelles.
Mon rythme s’est ralenti , nous sommes en début d’après midi
Je m’installe sur la murette au soleil . J’aime cette chaleur , la chaleur des pierres; je ne suis rien sans ces rayons de soleil , je les cherche et dès qu’un nuage passe et me vole cette clarté je m’échappe pour ne pas rester immobile
Nous sommes au printemps , pas encore en été !
j’y resterais bien encore un peu dans cette enfance . Mais je dois rejoindre le monde des adultes . Le monde où l’on parle argent et politique . Le monde du calcul et de la tactique.
Je reviendrai , ici comme on revient à une source , l’enfance est mon royaume , c’est une marque originelle . J’en suis imprégné par mon cœur et par mon âme .
Je recherche l’enfance comme on recherche un amour perdu , un astre majestueux que l'on a a peine eu le temps d'entrevoir.
Et si de m’absente parfois de ce royaume ce n’est jamais que provisoire.
SC / FEV 2024
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